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La France a consommé 10 % d’électricité en moins l’hiver dernier ; 3 leçons pour lutter contre le changement climatique

Au cours de l’hiver 2022, les émissions de la France ont diminué d’environ 8 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Photo d’archives par Christophe Petit Tesson/EPA-EFE

Des mesures qui aident les gens à consommer moins d’énergie à la maison, en voyage ou au travail pourraient réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU.

Lorsqu’il y a moins de demande d’énergie, cela signifie qu’il faut produire moins d’électricité à faible intensité de carbone pour remplacer les combustibles fossiles et atteindre le zéro net.

Il était important de se contenter de moins d’énergie l’hiver dernier lorsque la guerre russe en Ukraine a fait monter en flèche les prix de l’énergie et restreint l’approvisionnement en gaz. Pour éviter les pénuries, la France a mis en place un « plan de sobriété » visant à réduire la consommation totale d’énergie de 10 % d’ici deux ans.

La France a consommé 10 % d’électricité en moins l’hiver dernier ; 3 leçons pour lutter contre le changement climatique

L’expérience de la France est instructive pour d’autres pays qui réfléchissent à la manière de gérer les prix élevés de l’énergie et d’atteindre le zéro net alors qu’une nouvelle crise énergétique hivernale se profile. Il a montré que les mesures de suffisance peuvent réduire la consommation d’énergie et ainsi réduire rapidement les émissions à l’origine du changement climatique. Mais des changements plus profonds dans la manière dont la société est organisée sont nécessaires pour maximiser la contribution potentielle de ces mesures à la décarbonation.

Plan en 15 points

Les mesures de suffisance énergétique visent à limiter la quantité d’énergie consommée pour répondre aux besoins du public. Il peut s’agir de personnes baissant le thermostat de leur chauffage ou passant à la marche, au vélo ou au fauteuil roulant au lieu de conduire.

Le plan de sobriété énergétique français d’octobre contenait 15 mesures, dont une température maximale de 19°C (66,2°F) dans les bâtiments publics, un soutien au télétravail et au partage de voitures et une atténuation ou une extinction des lumières publiques à certaines heures. Le plan prévoyait également des subventions pour l’installation de systèmes de chauffage plus efficaces, comme des pompes à chaleur.

Pour réduire le risque de coupures d’électricité, le plan a envoyé une alerte via une application appelée Ecowatt trois jours avant que l’offre d’énergie ne soit inférieure à la demande. Cela a fonctionné en demandant aux ménages de réduire leur consommation d’électricité en éteignant les appareils électroménagers ou en évitant de les utiliser pendant les heures de pointe comme en début de soirée.

Combiné avec le fait que les gens consomment de toute façon moins d’énergie en raison de la hausse des prix, le plan de sobriété a réduit la consommation d’électricité en décembre de près de 10 % par rapport aux années précédentes. Ce chiffre variait selon les secteurs et variait entre 12 % dans l’industrie et 7 % dans les foyers, les cafés, les magasins et les restaurants. Parallèlement, après ajustement des différences de température, la consommation de gaz naturel était inférieure de 17 % à celle de l’hiver précédent.

Étant donné que l’utilisation des combustibles fossiles doit diminuer pour lutter contre le changement climatique, qu’a révélé l’expérience française sur l’effort nécessaire pour décarboner ?

Leçon 1  : Les mesures de suffisance peuvent réduire rapidement les émissions

Au cours de l’hiver 2022, les émissions de la France ont diminué d’environ 8 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Dans une enquête menée auprès de 12 000 personnes par le gestionnaire du réseau de transport français, une majorité a indiqué qu’elle pourrait être disposée à poursuivre les actions entreprises au cours de l’hiver 2022-23.

C’est encourageant. Les mesures de suffisance n’ont pas seulement réduit les émissions en quelques mois ; l’absence de réaction significative suggère également que les gens pourraient être réceptifs à des mesures similaires visant à freiner l’utilisation des combustibles fossiles.

Leçon 2  : L’économie est un facteur de motivation plus important que l’environnement

En décembre, les prix du gaz ont augmenté de près de 130 % par rapport à 2021, tandis que les prix de l’électricité ont plus que doublé en 2022.

Les ménages à faible revenu sont moins en mesure de réduire leur consommation d’énergie, généralement faible, en période de pénurie et sont moins capables d’investir dans des systèmes plus économes en énergie. Les ménages aux revenus plus élevés peuvent réduire leur consommation plus facilement, mais leur utilisation est moins sensible à l’augmentation des coûts énergétiques.

L’enquête a révélé que les systèmes de chauffage les moins chers étaient invariablement les plus recherchés. Mais de nombreuses personnes étaient réticentes ou incapables de se tourner vers de telles alternatives économes en énergie sans la garantie du même niveau de service et sans que le coût de l’installation soit subventionné. Le plan de sobriété français prévoyait un soutien financier aux ménages pour remplacer leurs systèmes de chauffage au fioul. La subvention était offerte en fonction du revenu et pouvait atteindre jusqu’à 16 609 $.

Même si des prix plus élevés peuvent entraîner de légères réductions de la demande énergétique, des changements plus importants susceptibles de réduire les émissions de manière permanente nécessiteront des incitations ou une réglementation supplémentaires.

Leçon 3  : La recherche peut prendre du temps avant d’être approuvée par les décideurs politiques

Négawatt, une association qui modélise les scénarios de transition énergétique en France, a introduit pour la première fois le concept de « sobriété » lors d’un débat public il y a 10 ans. Cela a conduit la France à adopter un objectif de réduction de la consommation totale d’énergie de 50 % d’ici 2050 par rapport à 2012. Très peu de politiques ont été adoptées depuis pour soutenir cet objectif.

Au cours des dernières années, la consommation totale d’énergie a diminué principalement en raison des restrictions liées au COVID-19. À cet égard, le plan de sobriété énergétique marque un changement d’attitude du gouvernement, même si l’adoption de mesures de suffisance a été motivée par des préoccupations concernant la sécurité et les coûts énergétiques – et non la neutralité carbone.

Pour profiter pleinement des bénéfices climatiques des mesures de suffisance énergétique, la France doit aller plus loin que le plan actuel. Réduire la consommation d’énergie conformément à l’objectif national nécessite d’intégrer la suffisance énergétique dans une transformation plus large de la société.

Ariane Millot est chercheuse associée en modélisation des systèmes énergétiques à l’Imperial College de Londres. Steve Pye est professeur agrégé en systèmes énergétiques à l’UCL.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons

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