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Pour lutter contre le changement climatique, nous devons mesurer les coûts de la chaleur extrême

Notamment les inondations, les tempêtes violentes et les incendies de forêt, les vagues de chaleur ont le plus grand impact sur la santé humaine.

En effet, l’événement météorologique le plus meurtrier de l’histoire du Canada a été le dôme de chaleur (des températures anormalement chaudes qui ont duré plusieurs jours) qui a frappé la Colombie-Britannique en 2021, causant au moins 600 morts. En plus de l’augmentation de la mortalité, la chaleur extrême est responsable d’une augmentation des visites aux urgences, des transports en ambulance, des hospitalisations, des appels aux lignes d’information sanitaire, des accidents du travail et d’une plus grande mobilisation des équipes d’intervention d’urgence.

Le changement climatique rendra les vagues de chaleur plus longues et plus intenses. Leur impact futur sera exacerbé par le vieillissement de la population et l’urbanisation croissante.

Dans ce contexte, il est essentiel de pouvoir évaluer le fardeau sanitaire et économique des vagues de chaleur, aujourd’hui et à l’avenir. Pourtant, on sait très peu de choses sur l’impact économique de la chaleur extrême.

Pour lutter contre le changement climatique, nous devons mesurer les coûts de la chaleur extrême

Pourquoi nous en savons si peu

Les catastrophes naturelles telles que les inondations, les ouragans ou les incendies de forêt provoquent des dégâts matériels aux habitations, aux entreprises et aux cultures agricoles. Puisque ces pertes sont souvent remboursées par les assureurs ou les gouvernements, en cas de catastrophe, les données financières associées à ces événements sont facilement disponibles et connues.

D’un autre côté, la chaleur extrême a tendance à affecter la santé d’un plus grand nombre de personnes. En conséquence, ces coûts sont enfouis dans les dépenses du système de santé ou supportés par la société dans son ensemble, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à quantifier. La chaleur extrême est souvent décrite comme un « tueur silencieux », car ses impacts sont beaucoup plus invisibles et silencieux que d’autres catastrophes naturelles.

Au cours des dernières années, quelques études ont tenté d’estimer les coûts associés à la chaleur accablante au Canada et ailleurs dans le monde. Par exemple, les prévisions des coûts annuels des décès prématurés liés à la chaleur au Canada ont été estimées entre 3 et 3,9 milliards de dollars par an d’ici 2050, et entre 5,2 et 8,5 milliards de dollars d’ici 2080.

Bien qu’importantes et pertinentes, les recherches existantes sur l’impact économique de la chaleur se concentrent souvent sur un seul effet, par exemple la mortalité. Mais les impacts de la chaleur extrême sont bien plus larges. De plus, l’échelle spatiale de l’analyse est souvent grande (couvrant l’ensemble d’un pays ou d’une province). Cela limite la possibilité de réaliser des analyses coûts-avantages à une échelle plus locale. Enfin, des améliorations sont possibles dans les approches méthodologiques utilisées dans les études existantes.

Forts d’une expertise multidisciplinaire (science des données, hydrométéorologie, santé publique et science actuarielle), nous cherchons à utiliser des approches innovantes pour évaluer les coûts sanitaires du chauffage au Québec et au Canada. Par exemple, nous avons récemment utilisé l’intelligence artificielle pour traiter de vastes bases de données météorologiques et médico-administratives afin de mieux modéliser les impacts de la chaleur sur la santé. Nous allons poursuivre ce travail et nous appuyer dessus afin de quantifier le fardeau économique de la chaleur.

Pourquoi c’est si important

Nous devons être capables d’estimer les coûts sanitaires historiques et futurs de la chaleur extrême afin de mettre en place des mesures efficaces et cohérentes pour lutter contre le changement climatique.

Du côté de l’atténuation, il s’agit de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Des projections fiables des coûts sanitaires liés à la chaleur extrême révéleraient ce que les autorités sanitaires ou la société peuvent s’attendre à payer si les émissions de GES continuent d’augmenter. De cette manière, la réduction des émissions de GES pourrait être convertie en coûts de santé évités, et donc en économies potentielles pour les gouvernements et la société. Cela représente un autre argument en faveur de la réduction des émissions de GES.

Du côté de l’adaptation, c’est-à-dire des actions à entreprendre pour limiter les conséquences du changement climatique, les estimations des coûts sanitaires de la chaleur pourraient servir de données d’entrée pour les analyses coûts-avantages des mesures d’adaptation, telles que le verdissement ou la lutte contre les îlots de chaleur urbains.

Dans de telles analyses, les avantages seraient quantifiés comme les coûts de santé liés à la chaleur qui seraient évités grâce à ces mesures. De plus, comme ces actions sont souvent mises en œuvre à l’échelle du quartier ou de la municipalité, il sera nécessaire de disposer d’estimations de coûts les plus locales possible. L’adaptation réduira les coûts aujourd’hui, mais aussi à l’avenir.

L’estimation des coûts sanitaires des vagues de chaleur est d’une grande importance, mais a souvent été négligée dans le passé par rapport à d’autres catastrophes naturelles. De nouvelles recherches multidisciplinaires, fondées sur des approches méthodologiques avancées, fourniront des données plus complètes et plus précises sur les impacts économiques de la chaleur extrême.

Ces preuves représentent un outil efficace pour convaincre les décideurs. Puisque nos gouvernements comprennent généralement très bien le langage économique, nous devons adapter notre discours pour pouvoir influencer les politiques publiques.

Jérémie Boudreault est doctorant en sciences de l’environnement à l’Institut national de la recherche scientifique; Céline Campagna est professeure adjointe à l’Institut national de santé publique du Québec, Université Laval; et Fateh Chebana est professeur en science des données appliquées à l’environnement et à la santé environnementale à l’INRS.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons

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