En France, l’apparition des médias féminins vers la fin du 18e siècle a permis aux mouvements féministes d’exprimer leur opinion et leur militantisme. Cette presse revendicative a donné aux femmes la liberté de s’affranchir des barrières et des clichés sexistes. Celle-ci a surtout permis à la gent féminine de s’affranchir des codes imposés par la société. Mais alors qu’elle a longtemps accompagné l’émancipation des femmes avec des discours libertaires, de nombreux magazines dédiés à la femme véhiculent désormais des discours contradictoires et stéréotypés. Alors, nous sommes en droit de nous interroger : la presse féminine est-elle sexiste ?
La presse féminine favorise la liberté d’expression des femmes
La presse féminine a permis aux femmes de s’exprimer librement. Elle leur a donné le pouvoir de se créer des opportunités et de casser les codes. Au 19e siècle, dans la société française, on considérait la femme comme un être assujetti à l’homme. La gent féminine était essentiellement associée à son rôle de mère. De ce fait, elle ne pouvait pas accéder au statut d’individu libre.
Mais, les initiatives médiatiques féministes ont permis de changer la donne. Le combat s’est étendu sur plusieurs décennies. Des femmes engagées ont fondé des journaux, d’autres ont pris la plume pour promouvoir les revendications des femmes. De nombreux magazines féminins mettent en avant des féministes ou des figures féminines pour leur parcours professionnel. Grâce à la presse, le féminisme s’est invité et s’est imposé dans le débat public. L’avortement, l’hygiène féminine et la contraception qui jadis étaient des sujets tabous sont aujourd’hui abordés en public.
Internet, nouveau terrain des revendications
L’avènement du web a permis à toute la presse féminine, toutes thématiques confondues, de porter sa voix plus loin et plus haut. Internet fonctionne comme un amplificateur de voix qui a permis à ces médias d’embrasser un large spectre de lectrices et lecteurs. Car, sur le web, la notion de frontière n’existe pas. La plupart des médias dédiés à la femme se servent donc des outils numériques pour promouvoir leurs revendications féministes.
Le web et en particulier les réseaux sociaux (surtout Facebook et Twitter) est devenu un terrain fertile pour exprimer les opinions des mouvements féminins. De nombreux magazines et revues féminins proposent des plateformes numériques (site web, blog) et des formats newsletters qui permettent de toucher directement leur cible, quel que soit l’endroit où cette dernière se trouve. Grâce à Internet, les médias féminins arrivent facilement à lancer des alertes et pétitions.
Internet a permis aux journalistes de se rapprocher de nombreux cercles féministes. Mais, cet outil leur a également permis d’apprendre et de comprendre de nombreuses théories féministes comme le mansplaining et le slut-shaming. Si les médias féminins jouent un rôle déterminant dans l’émancipation des femmes, il faut néanmoins reconnaître que, depuis quelques années, certains titres abordent des sujets avec des clichés sexistes.
La presse féminine et le culte de la perfection
Les injonctions sexistes et contradictoires foisonnent dans certains magazines papier ou en ligne. Les photos de mannequins anorexiques et les images retouchées envahissent quotidiennement les papiers glacés des journaux et les écrans de téléphones. Cette mise en scène influence de nombreuses filles et jeunes femmes qui sont prêtent à tout pour ressembler aux top-modèles.
De même, à l’approche de l’été, de nombreux périodiques font le choix d’abandonner les sujets d’actualité pour se focaliser sur des articles ou conseils minceur. Le message véhiculé est assez clair : il faut perdre des kilos pour entrer dans son bikini et se sentir bien dans sa peau à la plage. Or, ces discours sexistes piétinent l’intégrité de nombreuses lectrices qui préfèrent s’offrir des pèse-personnes dans le cadre de leur régime minceur.
Les annonceurs, au banc des accusés
La publicité représente une source de revenus très importante pour de nombreux médias féminins. Certains titres ne vivent que de la publicité. Or, dans les pubs, la gent féminine est généralement cantonnée à des rôles stéréotypés. Les annonceurs utilisent de façon abusive l’image et le corps des femmes pour écouler leurs produits (parfum, vêtements, rouge à lèvres…). Les attributs physiques sont notamment davantage mis en avant que les articles à commercialiser eux-mêmes. Toutefois, pour mieux comprendre la presse féminine, il est important de redécouvrir son histoire.
Naissance de la presse dédiée aux femmes
À ses débuts, la presse féminine apparaît sous forme de périodiques mondains et littéraires. À l’époque, rares sont les journaux qui épousaient la lutte pour l’émancipation de la femme. C’est en 1879 que cette presse dédiée prend réellement son envol grâce au journal Le Petit Écho de la Mode. Racheté par une grande famille catholique et métamorphosée, cet hebdomadaire destiné surtout aux mères de famille et aux maîtresses de maison est devenu populaire après l’insertion dans ses pages d’un roman-feuilleton détachable. C’est à partir de là qu’on assiste au développement de 3 types de presses :
- La presse féministe,
- La presse militante et idéologique,
- Les magazines spécialisés
La presse féministe
À partir de 1881, plusieurs journaux engagés en faveur de l’égalité des sexes voient le jour. On peut citer par exemple La Citoyenne, un journal anticlérical et l’hebdomadaire socialiste L’Harmonie sociale. En 1986, La Femme de l’Avenir, un bimensuel se retrouve au cœur d’une controverse après avoir abordé un sujet tabou : l’hygiène sexuelle. Mais, à cette époque, un titre se détache du lot. Il s’agit de La Fronde. Ce journal complet inaugure en 1905 le journalisme moderne au féminin. En plus des revendications féministes, on pouvait retrouver dans ses pages des chroniques historiques, des pages boursières des grands reportages en direct des usines.
Mais, La Fronde finira par disparaître entre 1926 et 1929. Plus tard, en 1977, Marie-Claire crée un cahier entièrement consacré à l’actualité féministe. Le magazine aborde plusieurs thématiques comme la contraception, l’avortement, le divorce et le travail. Entre-temps, entre 1966 et 1976, la condition des femmes connaît de véritables changements. On assiste à une féminisation du secteur tertiaire et à la révolution des mœurs avec la loi légalisant la contraception en 1967. La presse féministe n’arrive cependant pas à s’adapter rapidement à tous ces bouleversements et perd de nombreuses lectrices. Pire, elle connaîtra une crise en raison de la concurrence des autres moyens de communication comme la radio et la télévision.
La presse militante et idéologique
Née en 1954, l’Action Catholique Générale Féminine (ACGF), mouvement féministe, souhaite que les femmes trouvent toutes leur place dans la société et dans l’Église. L’ACGF crée alors L’Écho des Françaises. Dans les années 60, ce journal atteint 2 millions d’exemplaires et se classe en tête de toute la presse périodique française. De leur côté, les communistes revendiquent aussi l’émancipation des femmes et leur promotion dans la société. Cela aboutira à la création en 1955 du journal féminin de la Confédération générale du travail (CGT).
Les magazines spécialisés
Les années 70 voient apparaître les magazines spécialisés. Chaque tranche d’âge, profession, activité et sport aura son propre périodique. Toutefois, on distingue 2 types de spécialités dans la presse dédiée à la gent féminine, par styles et modes de vie et par classe d’âge et catégories socioprofessionnelles. On assiste à partir de 1974 à la naissance de nombreux périodiques consacrés au soin du corps et à la santé. À l’époque, 2 courants se développent dans ce domaine. D’un côté, on retrouve les périodiques d’informations médicales et d’hygiène de vie. De l’autre côté, on fait la part belle au culte du corps par le sport.
La presse pour adolescent est née dans les années 60. À partir de 1977, les périodiques destinés à la jeune mère et à des femmes de catégories socioprofessionnelles supérieures apparaissent. Des titres de mode luxueux verront également le jour à cette époque.
Les années 80 et le retour de la féminité
À partir de 1982, les revues féministes sont moins présentes, car les principales revendications ont abouti. Les acquis sont passés dans les lois et la lutte pour l’égalité des sexes n’est plus d’actualité. La presse féminine décide alors d’accompagner les femmes dans leur retour à la féminité. La presse féminine se réorganise et se focalise désormais sur l’actualité people et le show-business. Vous pouvez lire aussi : la pratique de vente au détail secrète d’Apple récompenserait les clients.