La course à l’intelligence artificielle (IA) menée par les grandes entreprises technologiques se transforme en un véritable « dilemme du prisonnier », où chaque acteur se sent contraint d’investir pour ne pas perdre sa position. Selon Tony Yoseloff, directeur des investissements chez Davidson Kempner Capital Management, cette dynamique pourrait mener à une bulle spéculative sur le marché boursier.

Le dilemme des Big Tech face à l’IA
Tony Yoseloff, membre directeur exécutif et directeur des investissements de Davidson Kempner Capital Management, a évoqué le phénomène actuel de la compétition autour de l’intelligence artificielle lors du podcast « Exchanges » de Goldman Sachs. Il estime que cette situation ressemble à un « petit dilemme du prisonnier », dans lequel il est nécessaire d’investir en IA car los pairs font la même chose. « Vous devez y investir parce que vos pairs y investissent, et donc si vous êtes laissé pour compte, vous n’aurez pas une position concurrentielle plus forte », a-t-il expliqué.
Yoseloff met en avant les implications qui dépassent Silicon Valley, soulignant qu’un petit nombre de grandes valeurs technologiques dominent actuellement le marché américain. Par conséquent, leur comportement influence directement presque tous les investisseurs.
Risque d’oscillation de l’IA
Pour Yoseloff, l’IA ne représente pas simplement un battage médiatique mais fait partie d’un schéma historique plus large lié au changement technologique. L’évolution technologique requiert souvent du temps avant de générer des bénéfices tangibles. Par exemple, il a fallu près de dix ans après la diffusion des ordinateurs personnels dans les années 1980 pour observer des gains économiques significatifs et environ cinq ou six ans après le marketing massif d’Internet.
« Donc, la façon dont j’aime y penser est la suivante : y aura-t-il une oscillation de l’IA à un moment donné ? » a demandé Yoseloff. Les inquiétudes portent sur le fait que les marchés publics pourraient manquer de patience lorsque viendra le temps d’évaluer ces investissements massifs en IA.
Il attire également l’attention sur le fait que ces dépenses sont principalement alimentées par certaines des entreprises les plus prospères qui peuvent se permettre ce réinvestissement : « Que se passera-t-il lorsque le marché commencera à remettre en question les hypothèses sur les rendements que cela va générer ? ».
Yoseloff compare la période actuelle aux phases concentrées extrêmes précédentes comme celle du Web et celle appelée « nifty fifty ». Bien que ces époques aient vu émerger de vraies innovations, elles avaient également connu une tonicité excessive qui a conduit certains investisseurs à attendre jusqu’à quinze ans pour récupérer leurs mises.
Ses commentaires s’inscrivent dans un débat croissant concernant la possibilité que tant d’investissements dans l’IA entraîne une bulle boursière. Des figures comme Sam Altman, PDG d’OpenAI et Bill Gates, cofondateur de Microsoft ont exprimé leur souci face à cette euphorie ambiante entourant l’IA qui rappelle fortement celle connu durant la bulle Internet des années 90. Altman affirme ainsi qu’il pense qu’il existe effectivement« une phase où les investisseurs sont surexcités », qualifiant cela néanmoins comme “la chose la plus importante” observée depuis longtemps selon lui.
Fin octobre dernier, Gates avertissait quant aux potentiels excès : « Une tonne de ces investissements seront des impasses ».
Cette situation soulève donc interrogations futures concernant non seulement l’efficacité réelle bien établie mais aussi sa durabilité auprès du secteur financier.